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ancien testament - Page 9

  • Matthieu 2. Avent I - Tous appelés à venir devant la crèche

    1.12.2019

    Matthieu 2

    Avent I - Tous appelés à venir devant la crèche

    Nombres 24 : 15-17.       Matthieu 2 : 1-9.       Apocalypse 22 : 16-17.

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous entrons aujourd'hui dans le temps de l'Avent, commencement de l'année liturgique, recommencement du cycle de la vie de Jésus qui va de Noël à Pentecôte, en passant par Pâques. Temps de l'Avent, Avent qui signifie advenue, temps où nous attendons la venue de Jésus, dans le double sens où nous célébrons sa première venue et où nous espérons, attendons sa venue sous la forme de la réalisation de son règne sur terre, la venue d'un monde plus juste, plus humain, plus charitable.

    Dans ce temps du mois de décembre, chacun fait des efforts d'accueil, des efforts de générosité (en tout cas, beaucoup d'oeuvres attendent que nous utilisions les bulletins de versement qu'elles nous envoient) ou des efforts de décorations. C'est le temps de sortir les guirlandes lumineuses et les santons pour disposer nos crèches.

    Nos crèches traditionnelles — et je pense particulièrement aux crèches provençales — font de gentils mélanges et de doux anachronismes (par. ex. en y plaçant un curé). Pourtant ces anachronismes — des erreurs du point de vue historique — révèlent pourtant bien le sens de la nativité : tous, qui que nous soyons, d'où que nous venions, aujourd'hui, nous sommes invités à nous agenouiller devant Jésus et à l'adorer.

    Selon les évangiles, on ne devrait pas voir en même temps les bergers et les mages ensemble dans l'étable ! Le récit de Luc se passe au moment de la naissance et les bergers sont invités à voir un bébé emmailloté et posé dans une crèche. Dans le récit de Matthieu, les mages voient une étoile qui signale une naissance et se mettent en route à ce moment-là et arrivent plusieurs mois plus tard à Bethléem.

    La vérité, cependant, ne se trouve pas dans une réalité historique sous-jacente qu'il faudrait à tout prix reconstituer (comme les efforts de certains astronomes pour savoir s'il y a véritablement eu un signe dans le ciel — une supernovae ou une comète ou une conjonction de planètes — qui expliquerait le voyage des mages). Cette réalité historique ne nous est de toute façon plus accessible.

    Les évangiles ne nous livrent pas des preuves, mais cherchent à nous fournir des raisons de croire, des éléments pour alimenter notre foi, des événements qui donnent du sens à notre vie. Ainsi la question n'est pas : Que s'est-il exactement passé autour de cette étoile et de ces mages ? Mais plutôt : Que veut nous communiquer Matthieu en écrivant ce récit et en plaçant cette étoile dans ce récit ?

    Oui, cette étoile — qui a un si grand rôle — est étrange sous la plume de Matthieu ! Il n'est pas dans les habitudes de la tradition juive de se référer à l'astrologie pour asseoir une démonstration théologique. Alors pourquoi Matthieu introduit-il de l'astrologie dans la vie de Jésus ?

    Bien sûr, Matthieu utilise là un lieu commun de l'Antiquité. Il va quasiment de soi qu'une naissance royale est accompagnée d'un signe dans le ciel. On dit encore "Naître sous une bonne étoile." En s'exprimant ainsi, Matthieu est sûr de se faire comprendre de ses contemporains qui sont — selon les exégètes d'aujourd'hui — les chrétiens de la ville d'Antioche en Syrie, une communauté formée autant de grecs, anciens païens que d'anciens juifs.

    Matthieu, cependant, a aussi une autre idée, celle de montrer que la venue de Jésus est l'accomplissement des prophéties de l'Ancien Testament. C'est ainsi que son récit est construit autour de plusieurs citations de l'Ancien Testament. Les prêtres consultés par Hérode pour savoir où ce roi doit naître trouvent la ville de Bethléem dans les Ecritures. De même, Matthieu va appuyer la fuite en Egypte sur une autre citation.

    L'étoile des mages rappelle une prophétie de Balaam dans le livre des Nombres (24:17) qui dit :

     

    "Je vois ce qui arrivera — mais ce n'est pas pour aujourd'hui — je discerne un événement — mais il se produira plus tard — un astre apparaît parmi les descendants de Jacob, un souverain surgit au milieu du peuple d'Israël."

    Chez Matthieu, le récit de la naissance de Jésus est là — pour ses auditeurs d'origine juive — pour faire le lien entre l'Ancien Testament et Jésus, pour assurer une continuité entre l'héritage de la Torah et la nouveauté de la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Ce Jésus de Nazareth est bien celui qui devait venir, celui qui était annoncé, il est bien le Messie annoncé par les prophètes.

    Mais ce langage n'est pas directement compréhensible pour les auditeurs d'origine païenne de Matthieu. Ces prophéties, ils ne les connaissent pas, ils sont nouveaux par rapport à cette traditionde l'Ancien Testament, alors en quoi sont-ils concernés par ce Jésus ?

    C'est là qu'interviennent justement ces mages. Ces mages ne sont pas juifs puisqu'ils viennent d'Orient et qu'ils sont sensibles aux signes astronomiques — pourtant ils voient le signe et ils viennent.

    Le récit de Matthieu fait donc place à ceux qui sont rattachés à la tradition comme à ceux qui viennent ensuite, du dehors. Pour ceux-là Dieu aussi donne des signes. A ceux-là Dieu aussi se manifeste. Ceux-là aussi sont invités par Dieu à venir adorer Jésus.

    Par ce récit, Matthieu ouvre l'évangile à une dimension universelle. Cette naissance concerne tout le monde, chacun, d'où qu'il vienne, est invité à reconnaître en Jésus le souverain, celui qui règne sur tous, au point que certains auteurs, plus tard, lui donneront le titre "d'étoile brillante du matin" (Apoc 22:16).

    Vous connaissez, vous, une étoile du matin, une étoile bien brillante ? Moi, je ne connais qu'une seule étoile qui peut être appelée comme cela, c'est le soleil !

    Cet universalisme de ceux qui sont rassemblés autour de Jésus, c'est bien ce que nos crèches anachroniques nous disent aussi : nous sommes tous invités à converger vers Jésus pour l'adorer, d'où que nous venions.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • 1 Rois 19. Elie épuisé est nourri, restauré par Dieu

    24.11.2019

    1 Rois 19

    Elie épuisé est nourri, restauré par Dieu

    1 Rois 19 : 1-8          Matthieu 14 : 13-21

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Lorsqu'on entend parler d'Elie, on a des souvenirs d'Ecole du Dimanche qui remontent à notre mémoire, le souvenir d'un grand prophète, d'une grande figure de l'Ancien Testament, et du Nouveau Testament, puisqu'Elie apparaît comme la figure emblématique de tous les prophètes de l'Ancien Testament. Il est celui qui doit revenir pour manifester le règne de Dieu. Certains ont même pensé que Jésus était le nouvel Elie. Il est aussi celui qui se trouve à côté de Jésus et de Moïse lors de l'épisode de la Transfiguration sur la montagne. Une grande figure prophétique donc...

    Pourtant — dans le récit que nous avons entendu aujourd'hui — ce n'est qu'un homme épuisé et las. Cet un homme seul, à bout de force. Il est vide, démuni, désespéré.

    Peu de temps auparavant, Elie a pourtant gagné son challenge contre les faux prophètes, les prophètes de Baal, mais cette réussite s'est retournée contre lui, il est maintenant poursuivi, sa vie est en danger, sa tête est mise à prix. C'est comme s'il devait payer en monnaie de malheur ses succès, ses réussites.

    Elie s'enfuit donc pour sauver sa vie. Il descend jusqu'à la ville de Bersheba, l'extrême sud du pays d'Israël, la limite des terres habitées. Il y laisse son serviteur et continue sa marche vers le sud, dans le désert du Néguev, en direction de l'Horeb, du Sinaï.

    Cette fuite est bizarre. Il fuit pour sauver sa vie, mais en même temps, il demande à Dieu de le laisser mourir, de lui reprendre la vie. C'est comme sauter dans l'eau pour éviter d'être mouillé par la pluie.

    Elie est habité par une lassitude extrême, comme une fatigue épuisante dont on n'arrive pas à se débarrasser. Et dans ces conditions, il exprime le désir de mourir, non pas tant pour la mort, mais plutôt contre la vie, contre cette vie là, cette vie tellement pesante, tellement chargée, écrasante. Après une journée de marche, Elie s'écroule sous un buisson pour dormir.

    On devine son épuisement, physique, mais aussi moral. On devine cette envie de sombrer dans un sommeil qui fait tout oublier, un sommeil qui nous délivrerait de tous nos fardeaux, un sommeil transformateur, libérateur. Combien sommes-nous à espérer cela certains soirs, ou même chaque soir ?

    Elie s'endort, rempli de cet espoir, qui est en même temps désespoir, parce que ce sommeil libérateur n'existe pas — il le sait — et parce qu'il pense que seule la mort peut le délivrer vraiment de ses maux. Ainsi, Elie est là, endormi sous son buisson, dans le désert.

    Dans ce même désert où les Israélites ont erré et souffert pendant 40 ans sous la conduite de Moïse. Dans ce même désert où Moïse a été interpellé par la vue d'un buisson mystérieux, qui brûlait sans se consumer, qui donnait son énergie sans s'épuiser. Dans ce même désert où Dieu s'est révélé, presque face à face, à Moïse. Dans ce même désert où le peuple d'Israël a été nourri avec la manne, avec les cailles. Dans ce même désert où le peuple a été abreuvé de l'eau qui sortait du rocher frappé par le bâton de Moïse. Ce désert où Elie vient échouer pour mourir.

    Ce désert a deux visages. Le visage mortel d'un lieu aride et impitoyable et le visage d'un lieu où l'on rencontre Dieu lui-même, apportant secours et protection à son peuple bien-aimé. Ce désert à deux visages est comme un message pour nous dire que c'est là, lorsque nos vies sont tourmentées, lorsque la lassitude et la fatigue nous écrasent, lorsque le deuil nous assaille, c'est là que Dieu se manifeste, c'est là que Dieu se révèle le plus proche, le plus aimant. Peut-être parce que c'est à ce moment que toutes nos barrières sont tombées, parce que toutes nos protections personnelles, nos carapaces et nos systèmes D pour nous en sortir tous seuls ont montrés leurs limites et leur inefficacité. A ce moment, nous sommes prêt à recevoir ce que Dieu veut nous offrir depuis toujours.

    A ce moment-là un ange vient toucher Elie. A ce moment-là, Elie sent une main sur son épaule, une main caresser ses cheveux comme on éveille un enfant, un contact chaleureux s'établir. Il est touché, il sent la pression, il sent la chaleur, il sent la vie revenir en lui. Et cette voix qui lui dit : "Elie, lève-toi et mange !" (1 R 19:5).

    En cette nuit d'extrême tristesse et de lassitude, Dieu vient restaurer Elie. En nos nuits d'extrême tristesse et lassitude, Dieu vient nous restaurer, il nous apporte réconfort et nourriture pour nous donner la force de continuer notre route, même si elle est encore longue. Une route qui va mener Elie à l'Horeb, la montagne de Dieu où il va faire une rencontre personnelle bouleversante avec un Dieu qu'il n'avait jamais connu de cette façon-là (mais je vous laisse lire le récit de cette rencontre dans 1 R 19).

    Ce que Dieu a fait cette nuit de désespoir pour Elie,, Jésus l'a fait aussi pour cette foule qui le suivait, qui avait faim de sa parole et qui s'est retrouvée dans ce lieu désert, sans ressources. Cette foule fatiguée ce soir-là Jésus l'a restaurée également. Au travers de ses disciples, il a nourrit chacun.

    Aujourd'hui, Jésus répète pour chacun de nous ces gestes de partage pour nous nourrir. A chacun il s'offre lui-même comme pain de vie en nous invitant à sa table pour nous régénérer. A chacun il offre — au travers de ses disciples et des croyants d'aujourd'hui — d'être accueilli dans la prière, d'être touché et béni, d'être déchargé de fardeaux trop longtemps portés seuls. A chacun Jésus offre son accueil et sa vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019.

  • Luc 10. Marie a choisi la bonne part.

    10.11.2019

    Luc 10

    Marie a choisi la bonne part.

    Deutéronome 6 : 4-9    Luc 10 : 38-42

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  • Luc 10. Aucune loi ne peut répondre à la question : "Qui est mon prochain ?"

    27.10.2019

    Luc 10

    Aucune loi ne peut répondre à la question : "Qui est mon prochain ?"

    Deutéronome 30 : 11-14.    Luc 10 : 25-37

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  • 1 Jean 4. La puissance tue l'amour (III)

    1 Jean 4

    15.9.2019

    La puissance tue l'amour

    Osée 2 : 16-21.      1 Jean 4 : 7-12

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  • 1 Corinthiens 10. Le néo-libéralisme est le fruit de la moitié du Christianisme (I)

    1 Corinthiens 10

    25.8.2019

    Le néo-libéralisme est le fruit de la moitié du Christianisme

    1 Corinthiens 10 : 23-33        Marc 2 : 23-27

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  • Jean 6. Un besoin satisfait creuse un nouveau désir

    Jean 6

    14.7.2019

    Un besoin satisfait creuse un nouveau désir

    Deutéronome 16 : 1-3.    Matthieu 4 : 1-4.     Jean 6 : 28-35

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  • Ps 114. Un Dieu qui nous invite au changement

    7.7.2019

    Psaume 114

    Un Dieu qui nous invite au changement

    Psaume 114 : 1-8.   Esaïe 54 : 9-10

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Ce matin, j'ai envie de partager avec vous un psaume. Les psaumes sont des hymnes, des prières, parfois des protestations, d'hommes et de femmes divers qui partageaient tous la même foi dans le Dieu d'Israël. Aujourd'hui, ces psaumes — ces 150 psaumes qui se trouvent au coeur de nos Bibles — nous invitent à retrouver la foi de ces ancêtres pour les prier à notre tour.

    Le psaume que j'aimerais partager ce matin avec vous et le Ps 114, un psaume court, de louange, qui rappelle par de brèves allusions quelques pages centrales de l'histoire du peuple d'Israël :

     

    Quand le peuple d'Israël sorti d'Egypte,

    quand les descendants de Jacob quittèrent ce peuple au parler étrange,

    Juda devint le sanctuaire du Seigneur et Israël son domaine.

    En les voyant la mer s'enfuit, le Jourdain retourna en arrière.

    Les montagnes firent des bonds de bélier et les collines des sauts de cabri.

    Mer, qu'as-tu ainsi à t'enfuir, et toi Jourdain, à retourner en arrière,

    vous, montagnes, à faire des bonds de bélier, et vous, collines, des sauts de cabri ?

    Terre, sois bouleversée devant le Seigneur, devant le Dieu de Jacob,

    lui qui change le roc en nappe d'eau, et le granit en source jaillissante.

    Ce psaume est un témoignage, il s'adresse à la terre entière, à tous ses habitants. Il veut nous dire à quel point le Dieu de Jacob est un Dieu bouleversant ! Un Dieu qui appelle tous les êtres humains à la vie, à la vraie vie.

    Mais d'abord, pour y lire ce message, il est nécessaire de décrypter et d'étoffer le texte que nous lisons. Le psaume commence en parlant de la sortie d'Egypte, là tout le monde sait de quoi il s'agit, c'est la thématique centrale de l'Exode et de la foi d'Israël. Dieu a libéré son peuple en le sortant d'un lieu de misère et d'esclavage.

    Mais le psaume ajoute que cette sortie a été le commencement d'une transformation intérieure : A partir de là "Juda devint le sanctuaire du Seigneur et Israël son domaine." (Ps 114:2) Au lieu d'habiter un lieu, une ville ou un temple, Dieu habite un peuple, le peuple devient son sanctuaire ! Dieu ne veut plus être connu comme un Dieu extérieur, lointain, distant, mais comme un Dieu proche, intérieur.

    La force de Dieu habite le peuple lui-même et cette force lui permet de franchir tous les obstacles, en effet, la suite dit : "En les voyant la mer s'enfuit, le Jourdain retourne en arrière." (Ps 114:3) La mer qui s'enfuit rappelle la traversée de la Mer des Roseaux avec Moïse qui marque l'entrée dans le désert et le Jourdain qui retourne en arrière rappelle l'épisode que vous avez entendu (Jos. 3—4) de l'entrée dans la Terre promise avec Josué.

    Deux passages au travers des eaux encadrent le long séjour dans le désert, qui a été un temps d'épreuves mais pendant lequel les bénédictions n'ont pas été absentes ! Le désert de l'Exode nous rappelle la dureté de la vie, les difficultés de la vie de tous les jours, les temps arides que nous traversons, mais ce temps n'est pas un temps d'abandon — aussi tourmenté soit-il . C'est au désert que le peuple a reçu la manne et les cailles, c'est au désert que le peuple a reçu la Loi de Dieu, c'est au désert que le peuple a reçu a été abreuvé d'une eau qui sortait du rocher.

    Là où toute vie semblait impossible, Dieu l'a rendue possible, et lorsque le séjour semblait interminable et que les eaux du Jourdain en crue semblaient rendre impossible le passage vers la Terre promise, Dieu est intervenu et a réalisé sa promesse.

    La mer et le Jourdain renvoient à l'histoire d'Israël. Les montagnes qui bondissent et les collines qui font des sauts de cabri, à quoi renvoient-elles ?

    Il n'est pas question — à ma connaissance — dans l'histoire d'Israël, de cataclysmes terrestres. Par contre c'est une thématique très présente dans le livre d'Esaïe, entre les chapitres 40 et 55. Souvenez-vous ces paroles qu'on lit à Noël : "Une voix crie : Que toute colline soit abaissée, qu'on change les reliefs en plaine" (Es 40:4) ou encore "Quand les collines chancelleraient, quand les montagnes s'ébranleraient, mon amour pour toi ne changera pas" (Es 54:9-10). Ce thème des montagnes et des collines qui bougent est un thème messianique, qui annonce la nouvelle alliance de Dieu avec tous les humains.

    Ainsi le Ps 114 allie les hauts-faits de Dieu dans l'histoire d'Israël avec les hauts-faits à venir pour appeler chacun à reconnaître la grandeur éternelle du Dieu de Jacob, du Dieu d'Israël. Un Dieu qui a agi dans le passé de manière salutaire et qui promet encore d'agir pour ouvrir un avenir vivant et véritable.

    Oui, la terre entière, c'est-à-dire tous ses habitants et nous encore aujourd'hui nous pouvons nous laisser bouleverser, changer, transformer par ce Dieu qui a agit dans l'histoire et promet de le faire encore dans l'histoire de nos vies, de notre vie personnelle et dans la vie de notre communauté. Car le Dieu de Jacob est un Dieu de changement "lui qui change le roc en nappe d'eau, et le granit en source jaillissante" (Ps 114:8).

    Ce qui est mort, inerte comme la pierre, Dieu lui donne vie et fluidité comme l'eau, ce qui est dur, figé, bloqué dans nos vies, Dieu promet de le rendre souple, mobile, vivant. Et l'histoire de ces changements dans nos vies ressemble à l'histoire du peuple d'Israël.

    Il y a une première étape, souvent la plus difficile à franchir, qui oppose beaucoup de résistance, c'est la décision que quelque chose doit changer dans sa vie et qu'on va se mettre en route pour changer. La première étape, le pas décisif ressemble au départ de l'Egypte. C'est un premier prodige que cette détermination de se mettre à changer, c'est analogue à franchir la Mer des Roseaux.

    Suit une période faite d'épreuves, de difficultés, entrecoupée de bénédictions inattendues, de nourritures nouvelles et d'eau sortie d'on ne sait où. C'est une période de transformation, de gestation, un temps où l'on adopte de nouvelles lois de comportement, et où l'on vit aussi des instants de rébellion, de doutes, de découragement : pourquoi avoir quitté la sécurité de l'acquis pour une Terre promise qui semble encore tellement loin ?

    Et voilà qu'à force de persévérance — et pour s'être laissé porté par Dieu lui-même par moment — vient le passage du Jourdain. Le désert est derrière soi, une nouvelle vie est commencée avec la possibilité de s'installer dans de nouveaux modes de relations. Il n'est alors plus question de retour en arrière, on sent la promesse réalisée.

    Le Dieu "qui change le granit en source jaillissante" nous invite à prendre ce chemin, ou à y persévérer, ou à y encourager, guider, ceux qui s'y trouvent. C'est à cela que nous invite ce Ps 114, si court, si simple, mais si riche !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Matthieu 9. Jésus regarde jusqu'au coeur de la personne

    Matthieu 9

    16.6.2019

    Jésus regarde jusqu'au coeur de la personne

    Matthieu 9 : 9-13 Matthieu 9 : 35-37

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Pour commencer notre réflexion sur les textes bibliques qui vous ont été lus, je vous demande de regarder les personnes qui sont autour de vous, celle qui sont proches (que vous connaissez probablement) et celle qui sont plus loin.

    Voilà, vous avez pu échanger des regards, voir des gens que vous reconnaissez, en découvrir d'autres qui vous sont inconnus.

    En regardant un groupe de personnes, notre esprit fait rapidement des catégories, il y a les gens connus et les inconnus, les plus jeunes et les moins jeunes que soi, les paroissiens habituels et les autres, et dans la rue, les suisses et les étrangers, les passants corrects et les marginaux douteux, etc… Toute société génère ses catégories.

    Du temps de Jésus, il y avait aussi des catégories, celles qu'on pouvait côtoyer, avec qui on pouvait partager un repas et celles qui étaient infréquentables : par exemple certains malades comme les lépreux; certaines ethnies, comme les samaritains; certaines professions, comme les collecteurs d'impôts.

    Les pharisiens étaient passés maîtres dans l'art d'établir des listes de gens fréquentables (on disait "purs") et infréquentables (on disait "impurs"). Le problème, c'est qu'ils le faisaient "au nom de Dieu." Cela, Jésus ne pouvait pas l'accepter. C'est pourquoi l'Evangéliste nous raconte cet épisode du repas que Jésus prend chez Matthieu, le péager, le collecteur d'impôt, l'agent du fisc romain.

    Jésus a passé devant Matthieu au péage. Matthieu est à son poste de travail (comme la caissière d'un péage d'autoroute française). Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, quand je passe au péage d'autoroute, je m'occupe d'avoir la monnaie, de tendre mon ticket et de récupérer ma monnaie. Je regarde à peine celui ou celle qui travaille. Ce n'est pas quelqu'un dont je vais faire la connaissance. C'est la même chose avec la caissière de la Coop ou le buraliste postal. Il y a des gens avec qui on a une relation purement commerciale, purement mécanique. D'ailleurs les entreprises l'ont bien compris, elles qui remplacent les employés par des automates !Eh bien, Jésus, lui, il a eu un autre regard pour Matthieu le péager !

    Un regard de personne à personne, au point qu'il a vu en lui quelqu'un à appeler à devenir disciple ! Jésus n'a pas été retenu par des idées préconçues, il n'a pas pensé : « de toute façon, c'est un péager, de toute façon, on n'a pas le temps ». Jésus a vu en Matthieu une personne. Jésus a vu au-delà des apparences, au-delà de la façade et du rôle. Jésus a regardé jusqu'au cœur de la personne. Il s'en est suivi un repas, un repas avec les amis de Jésus et tous les collègues de Matthieu, des gens infréquentables aux yeux des pharisiens. D'où leur question : "Pourquoi Jésus mange-t-il avec des gens de mauvaise réputation ?" (Mt 9:10)

    Vous aurez remarqué que les pharisiens parlent de ces gens en termes de groupe, pas en termes d'individu, de personne. C'est comme aujourd’hui lorsqu’on parle de “vague migratoire” au lieu de parler de personnes qui ont besoin de secours, d’un refuge. Quand on utilise le terme de “vague”, de “migrants”, de “réfugiés” au pluriel, comme une masse indistincte, on créée de toute pièce la réaction :
    — On ne peut pas accueillir tout ces gens-là ! (variante de “la barque est pleine”) Cela change quand il est question d’une personne concrète.
    — Mais, tu connais pas Untel ? Il est très correct…
    — Oui, alors celui-là ça va.

    Là où les pharisiens voient une catégorie de personnes, Jésus voit des individus et des individus qui souffrent de leur exclusion, de leur stigmatisation. Et Jésus refuse de participer à leur mise à l'écart de la société. C'est pourquoi il vient partager un repas avec eux, il communie avec eux, lui qui va vivre cette exclusion jusqu'à la mort sur la croix. Jésus mange avec les exclus et explique à ceux qui le critiquent que les étiquettes humaines n'expriment pas la pensée de Dieu.

    Toute étiquette est une barrière qui nous empêche d'appréhender la réalité telle qu'elle est. Personne ne peut être réduit à une idée que nous nous faisons d'elle. L'être humain n'est pas réductible à sa profession, sa nationalité, sa couleur, son genre, sa provenance, son apparence ou ses gestes.

    Connaître vraiment quelqu'un, c'est dépasser toutes ces étiquettes, tous les qualificatifs pour accéder à la personne. C'est accueillir l'autre en lui laissant la place de devenir réellement qui il est et non tel que nous voudrions le voir.

    Vous vous souvenez, sous le chêne de Mambré, Abraham accueille les trois visiteurs qui passent comme des messagers de Dieu. Il pense que c'est Dieu lui-même qui vient le visiter. C'est comme cela que Jésus regarde tous ceux qui se trouvent autour de lui. Même lorsque la foule l'entoure, il ne perçoit pas des anonymes, mais des êtres qui souffrent, qui portent des fardeaux derrière l'apparence, derrière la façade. Une façade derrière laquelle nous nous cachons.

    Combien de fois pensons-nous (par exemple lorsque nous recevons un compliment) : "Ah, s'il savait qui je suis vraiment à l'intérieur de moi !" Qui n'a pas peur d'être démasqué ?Il y a de quoi avoir peur si nos faiblesses sont retournées contre nous pour nous démolir. Mais si c'est le contraire ?

    En réponse aux pharisiens, Jésus se présente comme le médecin de ces souffrances intérieures : "Les bien-portants n'ont pas besoin de médecins, ce sont les souffrants qui en ont besoin." (Mt 9:12) Jésus vient non pas pour juger selon les catégories des hommes, mais pour guérir, pour soulager. C’est pour tous ceux-là que Jésus est rempli de compassion et qu’il cherche des ouvriers. Jésus regarde les humains, nous regarde, avec les yeux de l'amour inconditionnel et nous invite à deux choses :

    - d'abord, il nous invite à accepter d'être regardé ainsi, d'être accueilli, aimé, invité à vivre avec lui, partager son repas. Jésus nous appelle — comme Matthieu — à partager sa vie.

    - Ensuite, dans les pas de Jésus, nous sommes encouragés à adopter ce même regard envers les autres. C'est le culte que Jésus nous invite à rendre à Dieu : "Je désire la bonté, non les sacrifices." (Mt 9:13).

    Parce que nous avons été reçus, accueillis par Dieu, nous pouvons à notre tour accueillir notre prochain et marcher dans les pas du Christ.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Esaïe 55. Oser demander, et recevoir

    Esaïe 55 .2019

    Oser demander, et recevoir

    Esaïe 55 1-11         Jean 4 : 5-18

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Vous venez d'entendre deux textes bibliques, dont le point commun est de parler d'eau. Deux textes qui parlent de l'eau que Dieu donne, que Dieu offre gratuitement. Offrir gratuitement de l'eau, cela ressemble à un canular dans un pays comme le nôtre où les fontaines coulent jour et nuit.

    Mais cela sonne différemment pour un habitant du Moyen-Orient ou d'Afrique du Nord. St-Exupéry nous raconte un épisode qui peut nous éclairer. Il avait invité un bédouin en Europe. Lors d'une excursion en montagne, le bédouin fait halte devant un petit torrent. Il regarde intensément l'eau qui saute de pierre en pierre. Le temps passe. St-Exupéry l'invite à continuer. Mais le bédouin demande encore un moment, et encore un moment. Cela dure. Finalement St-Exupéry lui demande pourquoi il souhaite rester encore ? Le bédouin répondit qu'il voulait voir quand l'eau cesserait de couler.

    Les hébreux comptaient trois sortes d'eaux différentes. L'eau sous forme de mer était l'expression du danger. Les hébreux avaient horreur de naviguer. On voit cela dans l'histoire de Jonas. C’est une eau qui fait peur, c’est une eau mortelle.

    L'eau c'est aussi la pluie qui descend du ciel et féconde la terre, irrigue les cultures et fait verdir le désert (Es 55:10). Cette eau vive, courante, c'est la vie, mais elle est rare.

    Enfin, il y a l'eau du puits, l'eau pour boire, pour se désaltérer et abreuver les troupeaux. L'eau du puits, c'est celle qu'il faut trouver lorsqu'on parcourt le désert. Il faut parfois même désensabler le puits avant de puiser l'eau. L'eau du puits étanchera la soif, mais au prix d'un travail. Le puits, c'est la survie, mais au prix du labeur des hommes. C’est une eau qui coûte.

    Et voilà, que dans ce contexte, Dieu annonce et offre — chez Esaïe— une eau gratuite et abondante. Finit la rareté et la dureté du travail !

    "Holà, vous tous qui avez soif, je vous offre de l'eau, venez. Même si vous n'avez pas d'argent, venez vous procurer de quoi manger, c'est gratuit; prenez du vin ou du lait, c'est pour rien." (Es 55:1).

    Finie l’eau mortelle, finie l’eau rare, finie l’eau qui coûte, voici de l’eau offerte en abondance.

    Bon, ne rêvons pas ! Dieu n'a pas le projet d'installer l'eau courante. L'eau est une image utilisée pour nous renvoyer à quelque chose d'autre. Sans eau, sans boire, nous ne pouvons vivre bien longtemps. Boire et un besoin fondamental, vital. L'eau renvoie à nos besoins fondamentaux. Lesquels sont-ils ? De quoi avons-nous fondamentalement besoin ? Où s'oriente notre quête ? Qu'est-ce qui nous fait courir ou lever le matin ?

    Directement après nos besoins vitaux corporels (air, boisson, nourriture) viennent nos besoins de sécurité et de contacts. Nous avons besoin de la proximité des autres — mais pas simplement une juxtaposition anonyme — nous avons besoin de nous voir exister dans le cœur et les yeux des autres. Nous avons besoin de signes concrets de reconnaissance, de signes positifs d'appréciation, de compliments, de marques physiques d'affection. Ces signes, ces marques, ces gestes, en recevons-nous autant que nous en souhaitons ? Osons-nous en donner aux autres autant qu'ils en souhaitent ? Osons-nous en demander aux autres autant que nous en souhaitons ?

    Dans sa rencontre avec la Samaritaine, Jésus ose demander à cette femme ce dont il a besoin.

    — Donne-moi à boire

    — Mais tu es Juif ! Comment oses-tu donc me demander à boire, à moi qui suis Samaritaine ? (Jn4:7-9)

    N'y a-t-il pas mille obstacles, ne trouvons-nous pas mille excuses pour ne pas oser demander aux autres ce dont nous avons besoin, ce qui nous ferait plaisir ?

    Jésus ne sous-estime pas la nature généreuse de l'être humain. Il demande et le dialogue s'engage, la relation se noue et chacun en ressort enrichi. S'il n'avait rien demandé pensant à l'avance qu'elle allait opposer un refus, il n'aurait rien obtenu et il aurait renforcé la croyance première selon laquelle les gens sont fermés, et il n'aurait pas vécu la richesse de cette rencontre.

    Les grandes théories économiques ont forgé l’idée d’un homme égoïste toujours à la recherche de son intérêt (avec l’idée qu’il est vain d’aller contre cette nature humaine et que l’altruisme est contre nature). Pourtant, les recherches actuelles — bien résumées dans le livre : L’entraide, l’autre loi de la jungle* — montrent au contraire, que c’est l’altruisme qui est inné. L’être humain est naturellement porté à aider les autres, d’autant plus que l’environnement est difficile. Etonnament, l’égoïsme n’est possible qu’en situation de sur-abondance.

    Jésus table toujours sur cet élan à l’entraide. C’est pourquoi il ose demander, et il reçoit. La demande de Jésus permet d'entrer en relation. La discussion sur l'eau et la soif met en évidence la quête de cette femme, la quête de la Samaritaine. Lorsqu'elle demande de recevoir cette eau, pour ne plus avoir soif — image d'un amour qui ne laisse pas insatisfait — Jésus lui demande de chercher son mari, une façon de lui demander à quelle source elle puisait son amour jusqu'à présent. La réponse de la femme nous éclaire sur sa soif d'amour — "J'ai eu 5 maris et je vis avec un autre homme."

    Jésus ne lui jette pas la pierre. Il comprend son besoin et son problème. Elle cherche à l'extérieur, au puits, une eau qui n'étanchera jamais sa soif intérieure. Elle est dans la situation décrite par Esaïe : "A quoi bon dépenser de l'argent pour un pain qui ne nourrit pas, à quoi bon vous donner du mal pour ne pas être satisfaits ?" (Es 55:2) Elle a besoin — comme chacun d'entre nous — d'une eau qui étanche la soif, d'un amour qui comble. Elle a besoin, comme nous, de l'amour inconditionnel qui vient de Dieu.

    Jésus dit à chacun d'entre nous : — "Car l'eau que je donne deviendra en chacun.e une source d'où coulera la vie totale, en plénitude". Ce que Jésus nous promet, c'est de vivifier en nous cette source, de sorte que nous n'ayons plus à passer notre temps et notre vie à courir après les gratifications et les satisfactions destinées à nous combler.

    L'Eglise est la communauté de ceux qui sont à la recherche de cette source, de ceux qui cherchent à la vivifier en eux et de ceux qui l'ont trouvée et qui s'y abreuvent chaque jour. Ici nous devrions pouvoir demander, donner, échanger — selon nos soifs et nos sources — cette eau qui nous a été donnée gratuitement depuis le jour de notre baptême et chaque jour depuis lors.

    Comme le dit le prophète Esaïe :

    « Holà, vous tous qui avez soif, je vous offre de l'eau, venez. Même si vous n'avez pas d'argent, venez vous procurer de quoi manger, c'est gratuit; prenez du vin ou du lait, c'est pour rien. (...) Accordez-moi votre attention et venez jusqu'à moi. Ecoutez-moi et vous revivrez. “Je m'engage pour toujours, dit le Seigneur, à vous accorder les bienfaits que j'avais assurés à David.” (...) Tournez-vous vers le Seigneur, maintenant qu'il se laisse trouver. Faites appel à lui, maintenant qu'il est près de vous. » (Es 55:1,3,6).

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

    * Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, L’entraide, l’autre loi de la jungle, Paris, Les liens qui libèrent, 2019

     

     

  • Exode 33. Voir Dieu après-coup.

     

    Exode 33

    26.5.2019

    Voir Dieu après-coup.

    Exode 33 : 18-23          Jean 14 : 8-11

     

    télécharger le texte : P-2019-05-26.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Moïse, et Philippe le disciple, font la même demande, ils veulent voir Dieu ! C'est notre aspiration humaine, une aspiration qui traverse le temps et l'espace, qui agite tout humain. Voir Dieu. Enfin savoir, enfin avoir une certitude. Plus encore, pouvoir maîtriser, contrôler notre vie, notre chemin, notre destin.

    Mais la Bible nous dit qu'il est impossible, incompatible de voir Dieu et de vivre. La Bible pose cela comme un principe, un axiome, sans explication, comme une évidence. Cela souligne la différence, la distance entre Dieu et l'humain, une distance de fait, comme l'eau et le feu, comme la matière et l'anti-matière, ou encore comme l'obscurité et la lumière. L'obscurité ne peut pas se maintenir dans la lumière, c'est incompatible, de fait. Voilà pour la distance.

    Pourtant, Dieu n'a de cesse de vouloir s'approcher de l'humain. Dieu n'a de cesse de nous adresser la parole. Dieu n'a de cesse d'attirer notre attention ! Dieu n'a de cesse de vouloir rompre cette distance, nouer un contact, créer une relation.

    Mais cette relation ne peut pas être directe, sans intermédiaire, sans médiation. C'est ce que disent, parallèlement, le récit de Moïse et l'entretien entre Jésus et Philippe.

    Dans l'Ancien Testament, la relation directe est symbolisée par la vue, le regard, la vision. La relation indirecte est symbolisée par l'ouïe. Dieu parle aux prophètes, aux rois, à Moïse et ces derniers retransmettent ces paroles au peuple.

    Un interdit sur la vue de Dieu est placé dans le Décalogue : "Tu ne te feras pas d'image de Dieu." Faire une image, c'est enfermer Dieu dans notre vision de lui, c'est en prendre possession, prétendre à le contrôler, à le maîtriser. C'est outrepasser la juste relation à Dieu.

    Comment conjuguer l'impossibilité de voir Dieu et son désir de se révéler, de se faire connaître ? Comment conjuguer l'impossibilité de voir Dieu avec notre soif de le connaître, de le découvrir ? Le récit de la demande de Moïse à voir Dieu nous en donne quelques pistes.

    Remarquez : Dieu ne repousse pas la demande de Moïse, il y répond même : il va faire passer sa gloire et proclamer son nom. Mais ce processus va être accompagné de mesures de protection et d'explications sur ce que Dieu va montrer de lui-même. C'est Dieu lui-même qui va, en même temps, exaucer la demande de Moïse et le protéger du danger de sa demande.

    Il y a trois mesures de protection :

    La première, c'est que Moïse se place dans le creux du rocher, protection terrestre, abri naturel. On peut comparer cela aux mesures de protection physiques, matérielles que nous sommes tous invités à utiliser pour nous protéger le mieux possible des risques et des dangers de l'existence. Ne pas prendre inutilement des risques qui mettent notre vie en danger.

    La deuxième protection, c'est que Dieu lui-même va placer la paume de sa main sur Moïse pour le protéger. C'est la protection divine qui recouvre Moïse. C'est la protection que nous pouvons demander à Dieu dans la prière, pour tout ce que nos propres protections ne peuvent pas protéger.

    La troisième protection que Dieu offre, c'est de ne pas montrer sa face, son visage, mais de se laisser entre apercevoir, "de dos" nous dit le texte. Dieu va soulever sa main de dessus Moïse pour que celui-ci puisse apercevoir Dieu de dos, à la fin de son passage au-dessus de Moïse.

     

    C'est une vision furtive qui est offerte à Moïse, c'est une vision d'après-coup. Cela me fait penser à la vision des pèlerins d'Emmaüs, qui reconnaissent Jésus après-coup, dans la fraction du pain, alors que Jésus disparaît de leurs yeux. Je reviendrai sur cette vision "après-coup" et sa signification.

    Dieu dit aussi ce qu'il va montrer à Moïse, et c'est surprenant. Moïse demande à voir la gloire de Dieu. En termes laïcs, la "gloire", en hébreu, c'est la valeur, même la valeur marchande. La "gloire" du Liban, ce sont ses cèdres, le bois de ses cèdres. C'est la ressource du pays, ce qui en fait la valeur.

    Ce que Moïse demande à voir de Dieu, c'est ce qui en fait la valeur, sa ressource, sa qualité première. Et voici la réponse que Dieu donne à Moïse, si vous vous en rappelez : "Je vais passer devant toi en te montrant toutes mes bontés et en proclamant mon vrai nom." (Ex 33:19). Et il ajoute : ce qui me caractérise, c'est que je fais grâce et que je m'émeus de compassion.

    Le visage de Dieu présenté — en paroles — à Moïse, c'est celui de la bonté, de la grâce et de la compassion. Ce sont les qualités que l'Evangéliste Jean attribue à Jésus, celles qu'il a reçues du Père. Dans le jeu de renvoi de Jésus au Père, dans l'Evangile de Jean, il y a ce même évitement de la vue face à face. Quand Philippe demande à Jésus de "voir le Père", celui-ci lui répond : "Celui qui m'a vu a vu le Père" (Jn 14:9).

    Jésus ne peut pas montrer le visage de Dieu au ciel, mais il est lui-même le visage de Dieu sur terre, mais un visage que personne ne voit directement. En tout cas pas les adversaires de Jésus qui cherchent toujours à le mettre à mort. Mais même les disciples — et Philippe en est un exemple — n'arrivent pas à voir vraiment le visage de Dieu. Même avec Jésus parmi eux, ils ne voient Dieu que "de dos."

    Voir Dieu "de dos" signifie que l'on ne peut voir de Dieu que la trace qu'il laisse en passant. Ce n’est qu’après coup que nous nous apercevons que Dieu a passé dans notre vie.

    Notre travail, c'est de chercher sa trace, de voir son dos lorsqu'il a passé dans un moment de notre existence. Ce travail — car c'est un travail, un travail auquel renoncent nombres de nos contemporains — ce travail c'est de relire notre journée, relire notre existence, revenir sur nos faits et gestes et voir chaque fois que nous avons été protégés, accompagnés, guidés, soutenus.

    Nous pouvons, chaque soir, monter sur la montagne, nous blottir au creux du rocher et tenter d'apercevoir, furtivement, après-coup, quelle trace Dieu a laissé dans notre journée.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Jonas 1. Un Dieu de vie !

    Jonas 1

    19.5.2019

    Un Dieu de vie !

    Jonas 1 : 1-16 et 2 : 1 et 11          Matthieu 12 : 38-41

    télécharger le texte : P-2019-05-19.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Tout à l’heure — avant de venir ici — j’ai fait un culte avec des baptêmes au Port d’Ouchy, sur le bateau historique “La Vaudoise”. On a parfois des demandes étranges, mais comment toucher les gens si on ne fait pas un pas dans la direction ?

    C’est une famille qui est engagée dans la Société de Sauvetage d’Ouchy. Le père intervient en bateau, avec un équipage, pour sauver les gens les embarcations en détresse sur le lac. Pour l’occasion, j’ai choisi un récit biblique qui pouvait les rejoindre dans cette préoccupation de sauvetage, d’où le texte de Jonas.

    Il y a dans la Bible des récits historiques, mais il y a aussi des histoires romanesques, des fictions, des histoires inventées pour nous faire découvrir d’autres facettes de Dieu, ou de nous.

    C’est le privilège de l’écrivain de pouvoir introduire des éléments bizarres ou impossibles dans un récit pour porter un message, une symbolique. Si on rate le côté romanesque, on risque de rester bloqué par le bizarre, l’invraisemblable et rater le message.

    Le livre de Jonas et donc une fiction, mais pour nous dire quelque chose d’important et de vrai ! Que nous dit ce récit ?

    Il commence avec un homme qui reçoit une mission et cette mission lui apparaît comme impossible, irréalisable.

    Cela peut nous arriver aussi :

    - L’écolier qui sent la forte attente de ses parents qu’il fasse des études qu’eux-mêmes n’ont pas pu faire.

    - L’employé qui se voit confier un projet trop ambitieux pour lui, à ses yeux.

    - Le conjoint qui ne sait plus comment faire pour répondre aux attentes de l’autre, etc…

    Face à ses missions oppressantes, l’envie de fuite est grand. C’est ce que choisit Jonas : partir le plus loin possible. Il part de Jaffa sur la côte palestinienne et cherche à atteindre Tarsis — qui est l’Espagne — le point le plus lointain sur la mer Méditerranée.

    Il a l’air d’ignorer que lorsqu’on part, on emmène ses soucis avec soi. Sur le bateau, ses soucis, sa culpabilité se manifestent sous la forme d’une tempête qui menace également ou son entourage.

    Jonas essaye bien d’ignorer la tempête en dormant, mais le capitaine le réveille. Il faut affronter la réalité, mettre au jour le problème.

    Jonas est bien conscient que les problèmes viennent de son propre comportement. Aussi propose-t-il qu’on se débarrasse de lui en le jetant à la mer. Vous aurez remarqué que la proposition vient de lui — il est d’accord de sacrifier sa vie pour sauver l’équipage—cette solution n’est pas une proposition de l’équipage.

    Effectivement Jonas est jeté à l’eau. Une issue mortelle pour sauver le bateau et les gens, mais à quel prix ?!

    C’est là qu’intervient l’incroyable, l’impossible, le surnaturel : le sauvetage.

    Nous sommes au cœur du message de ce petit roman :

    - Le sauveteur ne doit pas mourir, et- On ne peut pas gérer la faute par l’expulsion et la mort du fautif !Il y a deux aspects :

    - “Dieu ne veut pas la mort du fautif” et - “celui qui donne sa vie, la retrouvera. ”

    Dieu ne veut pas laisser la mort triompher, quelle que soit la faute, la désobéissance. Dieu est pour la vie. Et vu ce que nous sommes, il se rend bien compte que si tout fautif devait mourir, personne ne pourrait s’en sortir.

    La punition ou la mise à l’écart est une logique humaine, celle de l’équipage, ce n’est pas la logique de Dieu.

    Ce petit roman nous le dit une fois dans ce sauvetage par le grand poisson et une fois dans la suite du texte, quand Jonas ira finalement accomplir sa mission et que la ville ne sera pas détruite — grâce à son message.

    Dieu ne veut pas la destruction, le jugement, il veut la vie, le sauvetage de tous, quelles que soient nos fuites, nos dérobades ou nos manquements.

    Dieu propose toujours le sauvetage de nos vies, quand elles traversent la tempête. Ce message de Jonas, Jésus l’offre aux pharisiens quand ceux-ci lui demandent un signe, un miracle. Que veut-il leur dire ?

    Jésus veux leur dire— et à nous alors suite— que le récit de Jonas va nous aider à lire la trajectoire de vie de Jésus lui-même. Il s’agit de faire le lien entre Jonas et Jésus pour comprendre Jésus.

    Et on voit bien les parallèles :

    - Jésus est accusé de ne pas respecter la loi de Moïse, donc d’être dans la désobéissance.

    - Il passe en procès.

    - Il donne sa vie, il accepte la mort.

    - Il passe du temps au tombeau, comme Jonas dans le ventre du grand poisson.

    - Il revient la vie, comme Jonas retrouve le rivage.

    En cela Jonas est une figure annonciatrice du Christ, de la volonté constante de Dieu de rectifier son image. Il n’est pas une Dieu de punition et de mort, mais un Dieu de salut et de vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019